ELEMENTS DE SPIRITUALITE
RAISON ET SENSIBILITE
La création nommée « homme » peut susciter l’admiration, ce qu’elle ne manque pas de faire, tant on la découvre riche de capacités et d’aptitudes, ces dernières nous permettant de faire face aux multiples situations auxquelles nous pouvons être confrontés dans l’exercice de l’existence.
Toute notre éducation n’a-t-elle pas consisté à apprendre à utiliser ces dispositions incluses en notre nature et à les développer pour en faire le meilleur usage ensuite.
-Essayons de les dénombrer, au risque d’en oublier.
Pour l’esprit : mémoire, intelligence ( capacité à associer des éléments en vue d’un résultat ), observation, concentration, persévérance, capacité à l’effort, capacité à s’investir, organisation, gestion, méthode, rigueur, audace, imagination, créativité, ouverture, capacité à l’investigation, capacité à la synthétisation, capacité à l’achèvement.
Pour le corps : développement des muscles par des exercices répétés ( musculation, activités sportives, souplesse ) ; il y a aussi l’entretien du corps par une nourriture appropriée pour ne pas tomber dans l’encrassement, voir même l’obésité ; passer du temps « dehors », ce qui signifie ne plus respirer un air confiné ; s’exposer au soleil sans exagération.
La création nommée « homme » est riche de ressources et l’on s’accroche en général à optimiser celles de l’esprit plus que celles du corps, considérant que le bon fonctionnement et l’entretien de ce dernier ne nécessite que peu de soins puisqu’il jouit d’une autonomie interne offerte par la nature . Il nous revient néanmoins de « faire ce qu’ il faut » pour que cela marche d’une manière optimale et sans que ce que nous fassions ne laisse de conséquences fâcheuses. ( Ex : ingestion involontaire de produits pernicieux tels que pesticides, produits chimiques de conservation, exhausteurs de goût, colorants mais aussi aliments de base ayant l’aspect des « vrais » mais dénaturés parce qu’ayant été produits selon des voies non-conformes.)
Ce que nous attendons de l’esprit c’est du rendement immédiat parce que nous en faisons une utilisation constante. Nous avons à le préparer aux épreuves, petites et grandes, qui jalonnent notre parcours. C’est ce qu’il se passe durant nos primes années et celles qui suivent, période généralement utilisée pour notre éducation, et ensuite pour de « la formation ». Cette formation est censée déboucher sur « de l’opérationnel en toutes circonstances » c'est-à-dire, dans l’ordre, de l’observation, de l’analyse, de la compréhension, de la déduction, de la planification, de la mise en œuvre et gestion dans le temps du dispositif en cours. Cela se veut méthodique, rigoureux, efficace et l’on peut poser sur ce type de démarche les mots « intelligence, raison, ou encore logique ».
La raison représente en général tout le côté logique de notre personne, le côté sensé dans ce qu’il amène d’ imparable, d’évident et d’obligatoire. On s’ y réfère constamment, on aime à le faire, parce que la raison est une valeur sûre et que nous savons pouvoir y accéder tout de suite. C’est certainement, après les réflexes acquis du corps, la chose la mieux entraînée que nous possédions puisque mise à contribution chaque jour en toutes circonstances.
Nous la savons présente pour faire son travail aussi souvent que nécessaire et c’est pourquoi nous l’apprécions en tant que repère fiable, en tant qu’alliée permanente et indéfectible.
L’homme est donc raison ( sauf à la perdre ) pour une part très importante de lui-même.
Mais il est aussi « sensibilité ».
Sensibilité : n.f. 1 ) Aptitude à réagir à des excitations externes ou internes.
2 ) Aptitude à s’émouvoir, à éprouver de la pitié, de la tendresse, un sentiment esthétique.
3 ) Opinion, courant politique, tendance. ( Mouvement qui regroupe diverses sensibilités ).
La sensibilité est donc cette propension ( aptitude, possibilité ) à évaluer ce qui nous arrive du monde extérieur par le biais d’une appréciation sensible reposant sur notre fréquentation ancienne et actuelle du bien et du beau.
Nous avons, dans notre vécu, découvert et expérimenté les plaisirs que nous procurent les contacts avec ce que nous avons appris à nommer « des sources de satisfaction », d’ordre esthétique et éthique. Il y a pêle-mêle :
-la beauté émanant de la nature, multiple dans ses aspects selon les situations et les paysages,
- la beauté émanant d’ oeuvres d’art, là aussi multiple selon les œuvres et les arts :
musique, peinture, littérature, sculpture.......
Nous savons, et cela est une évidence, que nous recevons et apprécions le monde par le biais de la sensibilité et cela est tellement vrai qu’il a fallu édicter des lois, issus de la raison, pour ne pas se tromper, c'est-à-dire se laisser aller à des impressions, ressentis fallacieux. Nous sommes des êtres sensibles, et si l’on s’en tient à ça, par nature, inobjectifs.
Si nous n’ y prenons garde nous pouvons être conduits à laisser notre sensibilité nous gouverner en dehors de tous critères objectifs, en dehors de toute raison. Le règne de la sensibilité c’est alors l’excès de sentimentalité, la disparition du discernement au profit d’une démesure qui, si elle n’est pas gérée, devient préjudiciable parce que créant un déséquilibre. Il y a aussi dans ce panorama la « sensiblerie », c'est-à-dire cette propension à s’ apitoyer exagérément sur des choses qui ne le mérite pas.
Le règne de la sensibilité devient alors le règne d’ un aveuglement volontaire plus ou moins marqué qui consiste à privilégier exagérément ce que l’on aime, c'est-à-dire ce qui nous touche, au détriment du reste, tout le reste, ce qui fait de la personne qui en est victime un être « monopolaire » soit un être amputé de sa dimension universelle.
Tout ceci nous conduit à définir l’ équilibre comme étant le mariage de la raison et de la sensibilité. L’équilibre, synonyme de santé mentale, apparaît donc, pour chacun, comme la mise en action de ces deux tendances, à proportions inégales selon les circonstances. La sensibilité est une ressource reine car elle nous permet de vibrer aux contextes et stimulations que nous traversons, c'est-à-dire d’y réagir par les sens, positivement de préférence. Existent différents degrés d’appréciation, du plus haut au plus bas, ce dernier représentant la jouissance inversée, la dépréciation ou plus exactement la désappréciation, c'est-à-dire le rejet.
La sensibilité, produisant cette faculté subtile qu’est l’ intuition, nous permet aussi de capter le côté invisible des choses de ce monde et des êtres qui nous environnent, leur vibration interne, le flux de vie qui sous-tend toute création, humaine ou divine. Tant et si bien que la bonne « réception esthétique » d’ une chose, au sens large, devient à notre insu, son appréciation morale.
Nous sommes issus ( parce qu’engendrés par.. ) d’ un monde vivant et donc, par définition, sensible. Notre sensibilité en éveil permet de retrouver le lien qui nous y unit.
La raison, c'est-à-dire cette capacité à dialectiser la réalité, nommée encore conscience, nous permet de fixer un ou des cadres à l’intérieur desquels nous pouvons évoluer sans risque. Elle définit la normalité à l’intérieur de laquelle on trouve la sécurité et la viabilité, en même temps que l’optimalité en toutes choses : des normes humaines dont il faut tenir compte pour ne pas prendre le risque d’un dérèglement dont il faut sortir tôt ou tard.
Inversement, notre sensibilité est là et bien là pour nous rappeler qu’un usage abusif de la raison n’est pas la vie.
A l’évidence et selon expérimentation constante ces deux « super facultés » sont appelées à se côtoyer éternellement en la nature humaine en se complétant, dans un dosage qui s’élabore en fonction des situations. C’est de ce mutualisme inéluctable et naturel que nous naissons à nous-mêmes, plus mûrs et plus forts.
PATRICK JAKUBOWSKI