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MONTESQUIEU  (1689 – 1755 )

LITTERATURE

                                                MONTESQUIEU   ( 1689 – 1755 )

 

Charles Louis de Secondat , baron de Montesquieu, est né le 18 janvier1689 au château de la Brède, prés de Bordeaux. Son père est un militaire de la haute noblesse ; sa mère était une riche héritière qui apporta à la famille la baronnie de la Brède. Elle mourut quand Charles avait sept ans.

En 1700, Charles Louis est envoyé au collège oratorien de Juilly, prés de Meaux, pour des études secondaires. La formation dispensée à Juilly associait des valeurs aristocratiques à des conceptions bourgeoises dont la finalité était résolument professionnelle. Charles Louis est apparemment un bon élève car ses professeurs ne tarissent pas d’éloge à son sujet, soulignant qu’il étudie avec une «  application la plus grande du monde. »

En 1705 il revient à Bordeaux étudier le droit. « Au sortir du collège on me mit dans les mains des livres de droit ; j’en cherchais l’esprit, je travaillais, je ne faisais rien qui vaille », écrit-il dans une lettre. Cela explique pourquoi son père ne lui fait pas étudier le droit à Paris mais à Bordeaux, pour le surveiller. Pour se délasser il lit des livres d’histoires et de voyages et médite les écrits des siècles classiques de la Grèce et de Rome .

A vingt ans il composa un ouvrage dans lequel il cherchait à prouver que l’idolâtrie des païens ne semblait pas mériter une damnation éternelle mais il ne le fit pas paraître. Après ses études de droit, il devient avocat.

Son père et son oncle lui offrent alors l’occasion d’un voyage à Paris où il rencontre de nombreux hommes de lettres et des savants. La mort de son père, le 15 novembre 1713 rappelle Montesquieu en Guyenne.

En 1714 il devient conseiller au parlement de Bordeaux. Il se marie en 1715 avec Jeanne Lartigue, de noblesse récente, protestante et richement dotée. A la mort de son oncle, en 1716, Charles Louis hérite de sa fortune, de la charge de président à mortier du parlement de Bordeaux et de la baronnie de Montesquieu dont il prend le nom.

Montesquieu se passionne pour les sciences. Il devient membre de l’académie des sciences de Bordeaux, ce qui le conduit à rédiger de nombreux traités de physique, de médecine, qui donnent la mesure de la diversité de son talent et de sa curiosité : «  les causes de l’écho , les glandes rénales , la cause de la pesanteur des corps. » Puis il s’intéresse à la politique et à l’analyse de la société à travers la littérature et la philosophie.

En 1721, à Amsterdam, il publie anonymement « les lettres persanes  » pour éviter la censure et de compromettre sa réputation de magistrat. La lecture des « amusements sérieux et comiques  » de Dufresny et celle du « Diable boiteux » de Lesage, lui donnèrent l’idée d’un ouvrage humoristique mêlant la satire morale et politique. Les «  lettres persanes », œuvre épistolaire, racontent le voyage à Paris de deux persans musulmans, Usbek et Rica ; leur séjour dure huit ans : ils observent la société et le mode de vie des français, leurs coutumes, leurs traditions religieuses et politiques et communiquent  leurs impressions à des compatriotes.

L’échange des lettres multiplie les points de vue, relativise les jugements émis par les personnages.

La dimension orientale des lettres persanes s’inscrit dans une mode pour l’exotisme avec, en 1717, la publication des « mille et une nuits » par Antoine Galland. C’est à la fois un roman dramatique, voluptueux et même libertin, une peinture satirique de la société contemporaine et un ouvrage très instructif où l’on découvre des vues très neuves et parfois très élevées, dignes d’un moraliste et d’un législateur. On peut voir, dans les Lettres persanes, une suite aux «  Caractères » de La Bruyère et rien ne montre mieux la différence profonde séparant le siècle de Louis XIV  de celui de Louis XV. Au vieillard autoritaire succédait un enfant de cinq ans. Le testament du monarque était cassé par ce même parlement de Paris que Louis XIV avait réduit à un silence de cinquante ans et c’est le duc d’Orléans, l’élève de l’abbé Dubois, la débauche personnifiée qui gouverne au nom du jeune roi. La régence était par excellence le règne de l’esprit frondeur, du mépris absolu pour tout préjugé et enfin, la débauche élégante. Les Lettres persanes comme les poésies de La Fare et de l’abbé Chaulieu convenaient à une telle époque.

Montesquieu, avec habileté, fait de ses musulmans des juges sévères de nos institutions politiques et religieuses et de nos façons de pratiquer la vie sociale. La principale critique faite à la religion est son obscurantisme.

Il pouvait dire sans crainte que « le pape est une vieille idole que l’on encense par habitude ». Il dénonce le célibat des prêtres, à la fin d’une lettre où il les qualifie  «  de gens avares qui prennent toujours et ne rendent jamais. » Il condamne l’intolérance religieuse dont il regrette les conséquences violentes.

«  Ce n’est point la multiplicité des religions qui a produit les guerres, c’est l’esprit d’intolérance de celle qui se croyait la dominante. »

La principale source de critique politique est le roi : il appelait Louis XIV « ce grand magicien qui fait croire à ses sujets qu’un écu en vaut deux et qu’un morceau de papier est de l’argent. Dans les Lettre persanes Usbek refuse le despotisme et critique la monarchie de droit divin qui met en place un roi tel « un soleil qui porte partout la chaleur et la vie » en mettant Dieu au centre des affaires politiques. Montesquieu dénonce aussi l'esclavage:  « Quant aux côtes de Guinée, elles doivent être sérieusement dégarnies depuis deux cents ans que les petits rois vendent leurs sujets aux princes de l’Europe » en ajoutant : «  Il n’y a rien de si extravagant que de faire périr un nombre innombrable d’hommes pour tirer du fond de la terre de l’or et de l’argent. »

Comme tout philosophe caractéristique du XVIIIéme siècle, Montesquieu proposera sa société idéale, une société aux valeurs morales prépondérantes et soumise à un nouveau mode de fonctionnement politique

La raison est une composante essentielle de sa philosophie. Il explique que grâce à elle les hommes ont « débrouillé le chaos et ont expliqué par une mécanique simple l’ordre de l’architecture divine. » Tout au long du roman, Montesquieu passe en revue différents types de pouvoirs. La monarchie est , selon Usbek, « un état violent qui dégénère toujours en despotisme. » Montesquieu parlementaire prône une séparation des pouvoirs et le type de régime qui s’en rapproche le plus semble être la monarchie parlementaire des anglais.

 L’idéal de justice pour Montesquieu est une justice indépendante qui ne serait pas divine. « Quand bien même il n’y aurait pas de Dieu, nous devrions toujours aimer la justice. La justice est éternelle et ne dépend point des conventions humaines. »   

Le succès de ce roman audacieux ouvre à son auteur les portes des salons parisiens, notamment celui de l’influente marquise de Lambert et celui du club de l’entresol. Il séjourne alors plus longtemps à Paris, écrit quelques œuvres dont « dialogue de Sylla et d’Eucrate » (1724), et « réflexions sur la monarchie universelle »

( 1724 ). En1726 il revend sa charge de président à mortier. Soutenu par le salon de madame de Lambert il est élu à l’académie française en 1728, même si cette élection suscite quelques oppositions sur des questions de nature religieuse. Il décide de parfaire ses connaissances en voyageant. Sa femme reste gérer ses propriétés et il part à Vienne avec lord Waldegrave ; il visite la Hongrie, l’Italie, l’Allemagne et la Hollande où il reste jusqu’en 1731. Ces voyages lui permettent d’observer la géographie, la culture, la diplomatie, les conditions économiques, les moeurs et les systèmes politiques des différents pays européens.

En 1734, il publie « Considérations sur les causes de la grandeur des romains et de leur décadence. » Mais Il voyait plus large et ses ambitions littéraires allaient à l’écriture d’un ouvrage de plus grande portée. En1740 les grandes lignes d’un futur livre sont tracées et en 1743 le texte est pratiquement rédigé. Après des révisions successives et des ajouts, est publié en 1748 chez un imprimeur genevois son chef d’œuvre composé de trente et un livres et de 1086 pages :

« De l’esprit des lois ou du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement, les moeurs, le climat, la religion, le commerce, etc.....»

Montesquieu a voulu faire, comme il l’a dit, « un ouvrage de pure politique, et de pure jurisprudence » et donner pour ainsi dire, la quintessence des législations. Certaines idées de l’Esprit des lois seront reprises lors de la rédaction de la constitution française de 1791, comme la séparation des trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Il influencera aussi la rédaction de la constitution des Etats-Unis d’Amérique.

L’Esprit des lois est l’une des œuvres les plus importantes de la littérature politique et juridique ; c’est une étude des relations sociales et environnementales qui se trouvent derrière les lois des sociétés modernes. Les thèmes les plus importants traités sont : la nature du pouvoir, la séparation des pouvoirs et la théorie des climats.

Il y a , selon Montesquieu, trois sortes de gouvernement possibles : -le républicain ( aristocratique ou démocratique ), -le monarchique et le despotique. Des lois de catégories différentes y sont associées :-le ressort des républiques c’est la vertu politique, « l’amour de la patrie » c'est-à-dire l’égalité ; -celui des monarchies c’est l’honneur, un honneur philosophiquement faux, une des formes de l’ambition, la recherche des préférences de distinctions, ce qu’on appelle aujourd’hui l’amour du panache ; -celui du despotisme c’est la crainte. Toutes les études de Montesquieu reposent sur cette distinction des trois gouvernements et des trois ressorts qui font agir les gouvernés et par conséquent les gouvernants. Il étudie les rapports des lois avec la défense, l’attaque, la liberté politique, les impôts. Un des côtés les plus originaux de son livre est le rapport des lois avec le climat, la nature du sol, l’esprit général, les mœurs, les manières, avec le commerce, la population , la religion. Il établit ensuite une distinction fondamentale entre les lois divines et les lois humaines.

« La force principale de la religion vient de ce qu’on la croit, la force des humains vient de ce qu’on les craint. » Il pose ce principe qu’on ne doit point « statuer par les lois divines ce qui doit l’être par les lois humaines, ni régler par les lois humaines ce qui doit l’être par les lois divines. » Selon lui le législateur doit être modéré. « Je le dis et il me semble que je n’ai fait cet ouvrage que pour le prouver : l’esprit de modération doit être celui du législateur ; le bien politique comme le bien moral se trouve toujours entre deux limites. »

Dés sa parution l’ouvrage ne laisse pas indifférent. Il est critiqué par les conservateurs, les ecclésiastiques.

Il est loué par les encyclopédistes comme d’Alembert. Mme du Deffand dira « c’est de l’esprit sur les lois ».

Voltaire écrira : « j’avoue que Montesquieu manque souvent d’ordre, malgré ses divisions en livres et en chapitre ; que quelquefois il donne une épigramme pour une définition et une antithèse pour une pensée nouvelle;qu’il n’est pas toujours exact dans ses citations ; mais ce sera à jamais un génie heureux et profond qui pense et fait penser ; son livre devrait être le bréviaire de ceux qui sont appelés à gouverner les autres, il restera. »

En 1750, Montesquieu répond aux accusations en publiant «  la défense de l’esprit des lois. » Ses forces physiques diminuent. Il écrit dans une de ses notes : « j’avais conçu le dessein de donner plus d’étendue et de profondeur à quelques endroits de mon esprit, mais j’en suis devenu incapable ; mes lectures m’ont affaibli les yeux, et il me semble que ce qu’il me reste encore de lumière n’est que l’aurore du jour où ils se fermeront pour jamais. » 

En 1751 «  de l’esprit des lois » est condamné par la faculté de théologie de la Sorbonne. Par amitié pour  Diderot et D’Alembert il publie dans l’encyclopédie un article : « essai sur le goût. » Le 10 février 1755,Montesquieu meurt à Paris d’une fièvre inflammatoire.

Montesquieu a été comme Voltaire , Rousseau, Diderot, une des figures marquantes du dix huitième siècle.

C’est comme eux un précurseur de la révolution française. Il est l’écrivain dont les hommes de la constituante ont le plus médité les ouvrages. Ce grand libéral a pu compter parmi ses disciples : Catherine II, Frédéric le Grand, Louis XVI, Malesherbes, Necker, Mirabeau,Washington , Robespierre et même Bonaparte.

" Il a exercé une action profonde et prolongée sur son temps ; il est encore plein d’enseignements pour le nôtre. Son nom est associé à plusieurs des meilleures réformes que nous ayons accomplies depuis un siècle.

Il représente notre esprit national dans ce qu’il a de plus précis, de plus large, de plus généreux et de plus sage. » ( Albert Sorel )

                                                                                                                                             Isabelle  Lysson

           Quelques citations de Montesquieu :

 

-  La politique est une lime sourde et qui parvient lentement à ses fins.   « L’esprit des lois  »

- Dans toute magistrature, il faut compenser la grandeur de la puissance par la brièveté de sa durée. 

- Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice.

- L’amour de la démocratie est celui de l’égalité

 - L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples.

- Les hommes, fripons en détails, sont en gros de très honnêtes gens : ils aiment la morale.

-  L’adresse n’est autre chose qu’une juste dispensation des forces que l’on a.

-  La propreté est l’image de la netteté de l’âme.

-  C’est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui établit les vrais rapports entre elles.

-  Le ciel peut seul faire les dévots ; les princes font les hypocrites.

-  Rien ne contribue plus à l’attachement mutuel que la faculté du divorce : un mari et une femme sont portés à soutenir patiemment les peines domestiques, sachant qu’ils sont maîtres de les faire finir.

- La justice consiste à mesurer la peine et la faute et l’extrême justice est une injure.

- Dans une monarchie bien réglée, les sujets sont comme des poissons dans un grand filet, ils se croient libres et pourtant ils sont pris.

-  Aimer à lire, c’est faire un échange des heures d’ennui que l’on doit avoir en sa vie contre des heures délicieuses.

-  La France : laissez lui faire des choses frivoles sérieusement et gaiement les choses sérieuses.

-  Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses.

- Il faut dans les lois une certaine candeur. Faites pour punir la méchanceté des hommes, elles doivent avoir elles-mêmes la plus grande innocence.

- La république est une dépouille ; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous.

-  L’avantage de l’amour sur la débauche, c’est la multitude des plaisirs.

-  J’appelle préjugé, non pas ce qui fait qu’on ignore de certaines choses, mais ce qui fait qu’on s’ignore soi-même.

 - J’ai toujours eu pour principe de ne faire jamais par autrui ce que je pouvais faire par moi-même.

- Le principe de la monarchie se corrompt lorsque des âmes singulièrement lâches croient que ce qui fait que l’on doit tout au prince fait que l’on ne doit rien à sa patrie.

- Nous sommes si aveugles que nous ne savons quand nous affliger ou nous réjouir : nous n’avons presque jamais que de fausses tristesses ou de fausses joies.

- Le moyen d’acquérir la justice parfaite, c’est de s’en faire une telle habitude qu’on l’observe dans les plus petites choses, et qu’on y plie jusqu’à sa manière de penser.

- Les mœurs et les manières sont des usages que les lois n’ont point établis, ou n'ont pu ou  n'ont pas voulu établir. 

- Ce n’est pas l’esprit qui fait les opinions, c’est le cœur.

- Voici comment je définis le talent : un don que Dieu nous a fait en secret, et que nous   révélons sans le savoir.

 

 



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