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Orélie-Antoine de Tounens

 FRAGMENTS D'HISTOIRE

 

   Orélie-Antoine  de  Tounens ,

                             Roi  de 

                                     Patagonie  et

                                            d’ Araucanie        

 

L’histoire du Royaume de Patagonie et d’Araucanie, c’est l’histoire peu ordinaire d’un homme , huitième enfant d’une famille de fermiers, né le 12 mai 1825 à Tourtoirac en Dordogne.  

C’est sans doute la lecture du poème épique du conquistador Alonso de Ercilla (traduit par Voltaire) qui révèlera à Tounens son royal destin. Ce poème fut écrit à la gloire des Mapuches ( rebaptisés araucans par les espagnols ), peuple fier et insoumis de l’extrême sud de l’Amérique, qui a repoussé les Incas au XVème siècle, réussi à contenir les assauts des envahisseurs espagnols du XVIème au XIXème siècle, avant de s’incliner face à l’armée de la nouvelle République du Chili. Les Mapuches vivaient en clans épars, ne se réunissant sous l’autorité d’un chef, le toqui, qu’en période de conflit. Dans l’esprit de Tounens, il ne manque à ce peuple qu’un souverain ; il se fera donc fort d’être ce roi aux yeux de ses futurs sujets. Son père, décelant en lui une intelligence supérieure à celle de ses autres enfants, se saigne pour lui offrir des études supérieures qui permettent à Antoine de s’extraire de sa condition paysanne en faisant un début de carrière dans le notariat à Périgueux. Mais il donnerait sa vie pour ses rêves ! et à trente-cinq ans, l’âge où Napoléon et Alexandre réalisaient leur rêve, il se rend à Paris pour offrir l’alliance de son royaume français de Patagonie à son «  cousin » l’empereur Napoléon III.  Ses arguments ne sont pas dénués de bon sens : «  si l’on jette un regard sur la carte de l’Amérique et que l’on parcourt l’espace qui s’étend du nord au sud, du détroit de Behring à la Terre de Feu….que trouve-t-on dans cet immense trajet ? Deux souvenirs de la France presque entièrement effacés : la Louisiane et le Canada ! Cette contrée deux fois grande comme la France, fertile en son nord, arrosé de nombreux cours d’eau, riche en pâturages et en minéraux de toute sorte, favorisé d’un climat rude mais sain, et où l’on ne rencontre pas un seul serpent venimeux….je veux l’offrir à la France … ». On prit bonne note de sa proposition, on le tiendrait au courant… Pendant ce temps-là, il faut dire que Napoléon III intervenait au Mexique en faveur de Maximilien d’Autriche et que ce fut une tragédie…

En 1857 Tounens vend sa charge d’avoué. L’année suivante, il s’embarque pour le Chili avec un pécule et débarque à Coquimbo le 28 aoùt 1858. Habillé comme un monarque et équipé de sa malle royale remplie de drapeaux, de pièces de monnaie qu’il fit frapper à son effigie, de décorations et autres attributs royaux, il se rapproche lentement de la Patagonie. Tout mythomane qu’il est, Antoine de Tounens n’en est pas pour autant fou. Là, il entreprend la rédaction de la Constitution de son futur royaume. Une fois prêt, il se décide à s’enfoncer dans le territoire mapuche, et l’incroyable se produit : en quatre jours, il est fait roi, le 16 novembre 1860 par les Mapuches, puis par les autres tribus ; en effet ces indiens cherchaient un chef pour lutter contre les chiliens. L’état de grâce dura environ un an. Il fut trahi pour vingt-cinq pesos par un métis, Rosalès. Le 5 janvier 1862, le roi est arrêté. Il reste six mois en prison pour être finalement expulsé vers la France. 

Malgré bien des déboires, s’en suivront d’autres voyages, tous plus insensés les uns que les autres ; Tounens dit Orélie-Antoine Ier trouvera l’énergie à trois reprises de regagner son royaume en 1860, 1871 et 1874. Lors de sa dernière tentative, il débarque à Buenos Aires sous une fausse identité. Il est malgré tout reconnu par un colonel argentin qui l’avait rencontré en 1871. Après une courte période d’emprisonnement, il est renvoyé en France. En 1876, sa toute dernière tentative de retour faillit lui coûter la vie. Ruiné et malade, il est laissé pour mort sur un trottoir ; il sera recueilli, opéré et rapatrié en France pour la dernière fois.  

Il se retire à Tourtoirac. A cinquante-trois ans, il se meurt. Son rêve est mort , il le remarque par ces mots : « mes sujets sont morts. Ils ont traversé mon royaume comme des ombres et je n’ai rien pu éviter (…) et je n’étais plus le roi que d’un royal néant. Les soldats argentins ont massacré les Puelches et les Tehuelches, grandes tribus de patagons. Mort leur terrible cacique Calfucura dont je crois qu’il m’accueillit en roi…Assassinés par des chasseurs de phoques,  exterminés par les épidémies semées tout au long du Détroit de Magellan par des équipages de brutes, les Onas de Magellan, les Yaghans de Terre de Feu, les Alakalufs des fjords du Chili (…) vaincus par des soldats chiliens, décimés, décérébrés, parqués dans des reducciones, mes guerriers mapuches et araucans ».

Personnage complexe, tour à tour attendrissant, énervant, drôle et triste, Tounens est avant tout un homme incroyablement seul, prisonnier d’un rêve fou qu’il poursuivra au-delà de ses limites jusqu’à la fin de sa vie brève, moment où il rédigera sa biographie en s’avouant à demi mots sa mythomanie.

Un grand écrivain, Jean Raspail, a retracé la vie  du Roi Orélie-Antoine Ier, dans un livre plein d’humour qui nous fait voyager entre rêve et légende :  

                   « Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie »  Albin Michel 1981

 

consulter également du même auteur : « Adios Tierra  del Fuego » Albin Michel 2001  

 

D’ailleurs, Jean Raspail nous indique par la déclaration qui suit, combien il est attaché à ce destin unique : «  ce royaume-là est éternel. Par les temps qui courent et par les temps qui viennent, je tiens désormais pour honneur de me déclarer patagon. Du cimetière de Tourtoirac en Dordogne où Antoine de Tounens a transporté son gouvernement et siège jusqu’à la fin des temps, j’ai reçu mes lettres de créance, moi, Jean Raspail, Consul général de Patagonie ». 

Cet ouvrage se termine par un brillant exploit que seul le « génie français » sait enfanter et que signe Jean Raspail et quelques amis qui s’identifient à l’image de Tounens. En 1984, ils déposent un ultimatum à l’ambassade de Grande Bretagne à Paris, demandant aux Anglais d’évacuer les Iles Falkland qui sont situées, comme chacun sait, aux latitudes australes de l’Amérique du sud, côté atlantique « face » à la Patagonie, ce qui ne fut bien sûr pas fait, « l’ultimatum » n’ayant pas dû faire sourire nos voisins anglo-saxons !!

Par mesure de rétorsion, au nom d’Orélie-Antoine Ier, nos « conjurés » investissent l’archipel des Minquiers dans les îles anglo-normandes, très proches de nos propres côtes. Le drapeau fait de trois bandes horizontales bleu, blanc, vert, est hissé au-dessus de l’Union Jack, et pour ceux qui connaissent les lieux avec les impératifs de marées, de courants et de récifs existants, cela constitue une véritable prouesse sportive. L’archipel est aussitôt rebaptisé «  Patagonie Septentrionale ». Ce coup de main sera renouvelé en 1998, et, lorsque le Consul de Patagonie, Jean Raspail, remettra le pavillon britannique enlevé la veille de sa hampe dans l’archipel des Minquiers, au premier représentant de l’Ambassadeur, celui-ci demandera fort diplomatiquement quels sont les projets d’avenir du Royaume de Patagonie. Fair play anglais ! Il y eut tout de même quelques remous dans les chancelleries… Ce coup de main semble se répéter tous les quatorze ans, alors, soyons vigilants…  

Par un traité signé en 1881 le Chili et l’Argentine se sont  partagés les territoires situés en Patagonie, Araucanie et Terre de Feu.                                                        

                                                                                                              Céline  Bart

                     


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