ECOLOGIE
L’ALLEMAGNE ET LA FIN DU NUCLEAIRE
Deux mois et demi après l’accident de la centrale de Fukushima Angela Merkel crée l’évenement, le 30 mai 2011, en annonçant que l’Allemagne sortirait définitivement du nucléaire en 2022 et que huit des réacteurs les plus anciens sur dix-sept étaient immédiatement et définitivement fermés. La quatrième puissance économique mondiale décidait de réduire son recours au nucléaire, énergie synonyme de haute technologie, mais aussi à hauts risques, lui fournissant vingt pour cent de son électricité. Quand le ratio est de 20% contre 80% pour d’autres productions il semble plus facile de grossir les 80% existants au détriment des 20% à faire disparaître.
Cette décision a eu un effet d’entraînement sur la Suisse et la Belgique qui ont emboîté le pas à l’Allemagne. En Italie le refus du nucléaire, qui avait été voté en 1987 s’est vu confirmé par un référendum en juin 2011.
Cette sortie programmée de l’industrie de l’atome aura de multiples conséquences :
-Financière : « La caisse des dépôts » allemande a évalué à 250milliars d’Euro les investissements nécessaires d’ici à 2020 pour franchir le cap c’est à dire passer aux énergies renouvelables et accroître l’efficacité énergétique des usines et des bâtiments. Une partie de la reconversion sera financée par les consommateurs. Pour l’industrie c’est une volte-face : le conglomérat Siemens a renoncé à ses activités nucléaires et développe activement les énergies propres et les réseaux intelligents : « smart grids ».
La transition complète au « tout renouvelable » s’ avère cependant difficile voire impossible sur le court terme. La plupart des éoliennes sont implantées dans le nord du pays alors qu’une partie importante de la consommation est au sud. Les jours de grand vent, quand la demande est faible au nord et à l’est du pays, il faut les arrêter pour ne pas surcharger le réseau alors que cette électricité serait utile dans le sud. Cette perte d’ électricité est dommageable et « il faut s’attendre à une aggravation du phénomène dans les prochaines années » dixit la fédération allemande de l’énergie éolienne.
Les conséquences pourraient être aussi environnementales. Le pays s’est fixé un objectif ambitieux : produire 80% de son électricité à partir des énergies renouvelables en 2050 contre 17% aujourd’hui, ceci afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cet objectif semble difficile à atteindre car la sortie du nucléaire peut signifier aussi plus de centrales à charbon très émettrice de CO2 et d’avantage de centrales au gaz. Si cela avait lieu cela voudrait dire un accroissement de la dépendance du pays vis-à-vis de ses grands fournisseurs, et c’est principalement la Russie avec laquelle Berlin doit entretenir des liens énergétiques de plus en plus étroits.
Malgré sa décision l’Allemagne va devoir continuer à composer avec l’atome : sur les hivers prochains elle devra encore importer de l’électricité produite par des centrales nucléaires implantées en France et en république tchèque. Le groupe russe « Inter Rao » le sait : il vient de proposer du courant qui sera produit par la centrale de Kaliningrad en 2016, une enclave russe en territoire polonais. Néanmoins nous pouvons saluer l’initiative des allemands pour cette volonté de changement qui devrait préfigurer des temps nouveaux où les énergies alternatives dites « renouvelables » c'est-à-dire non polluantes seront largement prédominantes. Nous avons là l’exemple d’un peuple moderne dans un pays économiquement en pointe, soucieux de son bien-être et de la fonctionnalité de ses moyens de production, et qui pourtant fait acte de lucidité face aux dangers encourus et choisit sans ambiguité de tourner la page.
On pourrait conclure par la phrase suivante : « dans un pays où, économiquement, l’esprit de système tend à prévaloir sur l’exhaussement de l’individu, ce dernier, par ces mesures, se voit prendre une revanche par la prise en compte du respect dû à sa personne physique et à la nature qui le soutient. »
PACO ALBENIZ