Il était une fois ……quelque part en Catalogne ……
Barcelone
Barcelone est l’une des plus anciennes villes d’Espagne. On suppose qu’un camp fut établi vers 230 av.J.-C par le carthaginois Hamilcar Barca, sur la colline de Montjuïc ; c’est lui qui aurait donné son nom à la ville. Au cours des siècles, des envahisseurs se succèdent : Alamans et Francs au IIIème s. , puis Suèves, Vandales, Alains, Germains, Wisigoths, musulmans, et le roi franc Louis le Pieux s’y établit au temps des carolingiens (en l’an 801). Un organisme, constitué de « cortes » ou assemblées, la Generalitat, exerce le droit, la politique et les finances, au XIVè.
En 1715, Felipe V abolira ces structures juridiques et administratives au profit du castillan et soumettra la Catalogne à la monarchie espagnole…déjà ! Croissance industrielle et misère ouvrière caractérisent les 18ème et 19ème siècles. Au 20ème siècle, la situation du roi Alphonse XIII devint difficile car il soutenait la dictature du général Primo de Rivera. Celui-ci, au cours d’une dictature de sept ans, avait interdit le puissant syndicat anarchiste CNT, et même le football-club de Barcelone, symbole de la « catalanitude ». Les républicains remportent une majorité écrasante aux élections municipales d’avril 1931 ; la IIème République espagnole est proclamée le 14 avril 1931.
Les citoyens espéraient beaucoup de ce régime : libertés, développement du pays et fin de la mainmise des trois pouvoirs sur le peuple : Eglise, Armée, Aristocratie terrienne. Mais une longue suite de conflits politiques ne purent s’exprimer en définitive que dans la guerre civile.
Les Catalans sont très vite conduits à soutenir des thèses anarchistes .
Anarchie : « Conception politique et sociale qui se fonde sur le rejet de toute tutelle gouvernementale , administrative, religieuse et qui privilégie la liberté et la création personnelles ».
« La nature n’a fait ni serviteurs, ni maîtres.Je ne veux ni donner, ni recevoir de lois. » Diderot, philosophe et encyclopédiste français,18è s.
Pierre Joseph Proudhon, théoricien politique français, est considéré comme le fondateur de l’anarchisme. Ses thèses ouvriéristes et son refus des solutions autoritaires du communisme lui valurent l’hostilité de K. Marx.
Un gouvernement provisoire réunissant une large coalition (républicains conservateurs, radicaux, socialistes modérés, autonomistes catalans), est constitué. En octobre 1931, Manuel Azana qui dirige l’Action républicaine devient chef d’un gouvernement de coalition de gauche. Il reste au pouvoir jusqu’en 1933 et mène une œuvre de grande envergure. Une nouvelle constitution institue une république laïque et parlementaire. Le droit de vote est accordé aux femmes. Le principe de l’autonomie, déjà accordé à la Catalogne, est étendu au Pays Basque.
Les élections de novembre 1933 donnent la majorité à une coalition de droite et inaugurent une période d’agitation politique. Les réformes sont gelées et l’on revient sur les concessions faites de 1931 à 1933. Les élections de février 1936 donnent toutefois une courte victoire au Front populaire, large coalition de gauche : il rassemble l’Union républicaine, la Gauche républicaine, le Parti socialiste ouvrier d’ Espagne (PSOE), le Parti syndicaliste, le Parti communiste, le Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), Esquerre catalane et les Autonomistes galiciens.
Créé en 1910, la CNT, (Confederation Nacional del Trabajo) est un syndicat anarcho-syndicaliste qui compte 700 000 membres dès 1919 ! Ses éléments les plus résolus créent la Federation Anarquista Iberica ( FAI) en 1927, très active en Catalogne. Catalogne et Pays Basque réclament l’indépendance dans le cadre d’une République fédérale.
Un nouveau parti fasciste, la Phalange, fondé par José Antonio primo de Rivera, fils du dictateur déchu se développe, mais seule l’armée peut faire l’unité de la droite, des phalangistes, des monarchistes, des carlistes (dissidents de Navarre) et des catholiques.. Le coup d’état est préparé en permanence par l’ « Union militar espanola » rassemblant les officiers de droite.
Aux législatives du 16 février 1936, les ouvriers votèrent massivement. Même les anarcho-syndicalistes de la CNT qui s’étaient maintenus à l’écart du Front Populaire et de la campagne électorale, n’appelèrent pas au boycottage des élections. Le Front Populaire l’emporta face au Front National (qui rassemblait royalistes, traditionalistes et phalangistes).
Ni les socialistes, ni les communistes ne voulurent entrer au gouvernement ; les anarchistes de la CNT refusaient leur participation. Seuls, les Républicains d’Azana et Martinez Barrio restèrent aux commandes et se trouvèrent incapables de satisfaire les demandes ouvrières et paysannes.
Ce fut un déchaînement de violence entre les « senoritos » de la Phalange, les « pistoleros » de la FAI, et les jeunesses socialistes. Les corps de police s’affrontèrent entre eux, garde civile (droite) contre « asaltos » (gauche). L’extrême droite misait sur le désordre pour pousser l’armée au coup d’état. Les phalangistes pratiquent ouvertement le terrorisme, assassinent de nombreuses personnalités du camp démocrate ; l’extrême gauche répond par d’autres meurtres politiques. L’Espagne s’achemine vers la guerre civile.
Elle éclate les 17 et 18 juillet 1936 alors que le général Franco est mis en échec lors d’un premier coup d’état ; la rébellion des garnisons est étouffée par les citoyens en armes dans les plus grandes villes d’Espagne : Madrid, Barcelone, Bilbao, Valence.
Le Peuple de Barcelone empêche la capitulation de la République devant le fascisme. Le 19 juillet, il prend d’assaut les premières casernes. Le jour suivant, à 14 heures, il est maître de la ville.
Ce n’est pas un hasard ! Port de mer et principal centre industriel d’Espagne, Barcelone, a toujours été à l’avant-garde de la révolution ; en effet, elle concentre dans ses murs et dans les villes industrielles catalanes près de la moitié de la classe ouvrière espagnole. Les travailleurs étaient organisés dans leur majorité par la CNT, d’autre part les socialistes et les « staliniens » ne regroupaient pas autant de membres que le POUM ( à tendance marxiste), la faiblesse de la CNT se révélant toutefois dans un manque de structures systématiques de direction fondé sur sa philosophie anarchiste. Mais avant que cette philosophie n’ait pu démontrer sa tragique conclusion, la CNT atteignit des sommets historiques dans sa lutte victorieuse contre les forces des généraux.
Les nationalistes s’unissent derrière le général Francisco Franco qui se proclame chef de l’Etat le 1er octobre 1936. Ils bénéficient du soutien militaire de Mussolini et d’Hitler qui envoient des soldats et du matériel de guerre ultramoderne. Les Républicains avec pour chef de file Juan Negrin, socialiste modéré, sont plus divisés. Leur armée rassemble des modérés, des socialistes, des anarchistes, des régionalistes basques et catalans et des communistes. En revanche, les démocraties occidentales n’aident pas la République espagnole. Pas même la France, où gouverne un Front Populaire issu des élections de mai 1936. Léon Blum, Président du Conseil, se contente d’apporter une aide secrète modeste et fait adopter par l’Europe, Royaume-Uni y compris le principe d’une « non-intervention » bafoué par l’Italie et l’Allemagne !
Partout où la classe ouvrière est nombreuse et organisée, les militaires sont écrasés, notamment à Barcelone, par la CNT. Tout le centre et l’est de l’Espagne échappent aux militaires ainsi que le Pays Basque et les Asturies mais les nationalistes installés sur les deux rives du Détroit de Gibraltar peuvent faire passer en Andalousie les troupes coloniales du général Franco.
L’Espagne est coupée en deux, la répression s’abat d’un côté sur les quartiers ouvriers (massacres de Séville et de Grenade) et de l’autre sur la bourgeoisie de droite (à Barcelone où les anarchistes vengent les leurs, tués dans les durs combats du 19 juillet et surtout sur le clergé).
Dans le camp franquiste, une politique officielle de terreur de masse, est mise sur pied. Du tableau des opérations militaires il ressort que les seuls grands succès républicains furent défensifs et que leurs offensives tournèrent en épuisantes batailles d’usure. L’histoire militaire est donc celle de l’offensive des troupes franquistes jusqu’à l’effondrement de la République.
Les franquistes pratiquèrent une féroce épuration politique dans les territoires qu’ils contrôlaient. Les partisans du Front Populaire, les anarchistes, les francs-maçons, les libres penseurs, les intellectuels de gauche et les athées furent jetés en prison, torturés et souvent fusillés. Le général Franco déclarait : « Pour sauver l’Espagne, je ferais fusiller la moitié de la population s’il le fallait ». La mort du plus grand poète espagnol, Federico Garcia Lorca, fusillé par les nationalistes, consterna le monde. Rien ne pouvait justifier tous ces crimes, comme rien ne put jamais justifier la destruction du village basque Guernica, rasé par l’aviation allemande de la sinistre légion Condor, le 26 avril 1937. Des cinéastes, des artistes, des écrivains apportèrent leur soutien à la République espagnole. Des dizaines d’intellectuels s’engagèrent pour soutenir « la cause sacrée de la justice » aux cris de « No pasaran ! » : André Malraux, Ernest Hemingway, John Dos Passos, Arthur Koestler, George Orwell, Pablo Neruda dans ses poèmes d’essence révolutionnaire.
En 1938, les franquistes atteignirent la Méditerranée à Vinaroz (15 avril) et coupèrent en deux l’Espagne Républicaine. En février 1939, après la conquête de Barcelone (26 janvier), les réfugiés républicains commencèrent à affluer en France. L’Angleterre et la France reconnurent le gouvernement de Franco. Madrid, ravagée par des combats entre factions communistes et anarchistes, se rendit le 28 mars, Valence fut prise le 30 mars.
La guerre d’Espagne avait fait plus d’un million de victimes : 145 000 morts, 134 000 fusillés, des représailles inexpiables des deux côtés, 630 000 morts de maladie, plus de 400 000 Espagnols exilés ! le régime franquiste s’installait dans un pays ruiné qui allait devoir supporter le fléau du franquisme pendant deux générations.
JACQUELINE BOLD
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