FRAGMENTS D'HISTOIRE
« Kiva Han »
le premier établissement de café ouvre ses
portes en 1475 à Constantinople …
Découvert en Ethiopie au 10ème siècle, la plante à café donne une fleur blanche au parfum de jasmin et un fruit rouge semblable à celui du cerisier. On fait sécher les fruits pour enlever l’enveloppe, on torréfie les fèves et on les moud pour faire du café. Discoride ( 1er siècle après J.C) et Avicenne ( 930-1037) en auraient déjà parlé au 13ème siècle.
A l’origine les feuilles de ce fruit magique auraient été la seule partie consommée de la plante, semble-t-il, mais des tribus africaines dans l’antiquité auraient moulu le grain et élaboré une pâte utilisée pour nourrir les animaux et pour augmenter la force des guerriers.
Le caféier est un arbuste qui pousse à l’état sauvage en Ethiopie, au Yémen, au Soudan et sur les côtes du Mozambique. La légende veut que le « café » ait été imaginé lorsque des bergers virent des chèvres danser après avoir mangé des graines de café.
Pour désigner le café, on est passé de « qahwa » en arabe à « kahvé » en turc, puis « caffé » en italien (à partir de 1615) et « café » en français. En français, on remarque que le mot désigne aussi bien la boisson que l’établissement qui la sert.
Au XVème siècle, les caravanes introduisent le café en Perse, Egypte, Afrique du nord, et en Turquie où le premier café, Kiva Han ouvre ses portes en 1475 à Constantinople. Devenue Istanbul, la ville en abritera plus de 500, cinquante ans plus tard, sous le règne de Soliman le Magnifique. L’engouement est tel qu’une loi turque de l’époque sur le divorce, précise qu’une femme peut divorcer de son époux s’il ne parvient pas à lui fournir une dose quotidienne de café.
Les effets du café étaient tels qu’il fut interdit à La Mecque en 1511 et au Caire en 1532. Face à la popularité du produit et à l’engouement des « intellectuels », des poètes, les autorités annulèrent le décret.
Le café arrive en Europe aux alentours de 1600 par les marchands vénitiens. On conseille au Pape Clément VIII d’interdire le café qui nous vient des infidèles. Mais après l’avoir goûtée, il baptise et adopte cette boisson. Le café est très vite prisé des moines : il permet de veiller et de garder l’esprit clair. Les musulmans, jaloux de leurs plants de« coffea arabica »interdisent l’exportation des plants et des graines, exception faite pour les graines ébouillantées qui ne pourront pas germer en terre étrangère.
En 1615, Venise est la première ville d’Europe à accueillir un chargement de café vert venant du Caire. Mais c’est à Vienne en 1645 que le premier établissement de café « ouvre ». Sa consommation qui est d’abord le privilège de l’élite intellectuelle parviendra progressivement dans les cours et les salons.
En 1644, les premiers grains de café ainsi que les ustensiles nécessaires à sa préparation, sont importés par l’ambassadeur français M. de la Roque. Le premier café de Marseille ouvre ses portes en 1671 à la demande de voyageurs et de commerçants de même que de personnes de tous horizons. Mais l’entrée officielle du café en France n’a lieu qu’en 1669 lorsqu’il fait son apparition à la cour du roi Louis XIV par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Turquie : Soliman Aga. A la différence de Louis XIV qui préférait le chocolat, Louis XV torréfiait lui-même la maigre récolte de café des serres de Versailles et préparait en personne sa précieuse boisson.
En réalité, la pénétration du café en Europe fut assez lente : l’importation de ce produit exotique coûtait cher aux gouvernements qui le taxaient fortement pour en réduire la consommation. Alors considéré comme un produit de luxe, il fait l’objet de contrebandes et se démocratise enfin à l’ouverture de nombreux établissements dits « cafés ».
Le café apparait à Vienne en 1683, à la chute des Ottomans lors du siège de la ville. Les Turcs abandonnèrent leur butin : tentes, bétail, céréales et surtout 500 sacs de café ! Un gentil-homme viennois « Kolschitzky », espion autrichien pendant le siège, enseigna aux Viennois la façon de préparer et de savourer la boisson. Les cafés viennois devinrent des exemples pour tous les autres cafés d’Europe .
Le café atteint les côtes de l’Amérique du Nord en 1668. En France, dès 1670, des botanistes tentent de planter du café. C’est à Paris, au jardin des plantes que le premier plant de café voit le jour en 1714 : ce sera l’ancêtre de tous les caféiers des colonies françaises. C’est à partir de la Martinique que la culture du café s’est répandue dans l’archipel caraïbe ainsi qu’en Amérique du Sud. Aujourd’hui, le Brésil est le premier producteur mondial de café.
Vingt ans après l’introduction du café à la cour de France, un Arménien du nom de Grégoire, originaire d’Ispahan (Perse), ouvre un café rue Mazarine à côté du Théâtre de la Comédie Française. Quand le théâtre quitte cet emplacement pour aller rue des Fossés Saint-Germain qui deviendra ensuite rue de la Comédie, puis de l’Ancienne-Comédie, en 1680, Grégoire déménage son café. C’est alors qu’entre en scène Francesco Procopio dei Coltelli dit François Procope-Couteaux en français- sicilien de Palerme ; il rachète à Grégoire son établissement et le fait décorer luxueusement.
L’établissement qui porte désormais le nom de Procope, devient rapidement l’un des cafés littéraires les plus courus, attirant les auteurs Voltaire et Rousseau qui y ont leurs habitudes. La légende rapporte que Diderot y écrivit des articles et que Benjamin Franklin y prépara le projet d’alliance de Louis XVI avec la nouvelle République des Etats-Unis et qu’il y aurait conçu des éléments de la future Constitution des Etats-Unis .
Montesquieu fait allusion au Procope dans la 36ème Lettre persane : « … il y en a une (maison) où on apprête le café de telle manière qu’il donne de l’esprit à ceux qui en prennent… ». Sous la Révolution française, le club des Cordeliers se réunit au café Procope avec Danton et Marat. Il devient alors un foyer révolutionnaire. Robespierre dont un portrait figure en vitrine, et les Jacobins y ont aussi leurs habitudes. Le bonnet phrygien (coiffure des affranchis durant l’Antiquité ) y est exhibé pour la première fois et le mot d’ordre pour l’attaque du Palais des Tuileries le 10 août 1792 partit de là.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 est reproduite sur les murs de l’une des salles. Les portes des toilettes comportent les indications " Citoyens " et " Citoyennes " et de nombreux objets historiques ( mobiliers, caryatides, traités et accords écrits ) apportent un témoignage étonnant, le plus atypique étant le bicorne de Napoléon laissé en gage par l’Empereur pour honorer les dettes de son repas.
Le papier peint des années 1830 qui reprenait les deux valeurs fondamentales de la République, « Liberté » et « Egalité » a été complété et arbore désormais la valeur « Fraternité ». La façade et ses balcons en fer forgé, la toiture également, ont fait l’objet d’une inscription aux Monuments Historiques par un arrêté du 20 janvier 1962.
Pour rendre hommage aux Philosophes du siècle des Lumières, le Groupe « Frères Blanc » a lancé en 2011 le « prix Procope des Lumières », destiné à récompenser l’auteur d’un essai politique, philosophique ou sociétal, écrit en langue française et paru en librairie pendant l’année en cours. L’ouvrage primé doit développer une réflexion nouvelle voire polémique sur notre temps, dans la tradition de l’esprit critique, des libertés et de l’humanisme du XVIIIème siècle.
En direct sur France-Culture à l’issue d’une délibération, le jury a voté en cette année 2013 pour Clément Rosset dans « l’Invisible », chez Minuit, l’éditeur.
Le lauréat reçoit en dotation un chèque d’un montant de 2000 Euros, une table à l’année au restaurant Le Procope valorisée à 2400 Euros ainsi qu’une bouteille de champagne millésimé d’une cuvée prestigieuse !
Le plus vieux café de Paris est ainsi devenu le lieu de rendez-vous des Arts et des Lettres où se déguste une cuisine française raffinée.
Ludivine Varte
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